La panne de modificateur-dimensionnel a duré 8 jours cette fois ! Tout ça à cause d'une turbine gelée.
Heureusement, mon Rhik-au-rhé, précieux breuvage moyen-oriental ne m'a pas fait défaut.
Pendant tout ce temps, il m'a emmené de nuages en nuages au pays des rêves.
J'y ai croisé Nounours et Pimprenelle, Pablo et Lca... non, ce n'était pas lui. Pas possible d'atteindre un tel niveau de conscience. Il faudrait utiliser d'autres médecines.
Mais là, maintenant, ici et demain, ce sera la descente, la chute, la fin du voyage. Je grelotte déjà et tire les couvertures à moi.
Mais bon sang, qui a crié comme ça et à qui appartiennent ces pas ?
Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qui doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C'est l'instant où le malade qui avait été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur, c'est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L'espérance d'être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis il s'éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu. C'est minuit ; on vient d'éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.
Je me rendormais, et parfois je n'avais plus que de courts réveils d'un instant, le temps d'entendre les craquements organiques des boiseries, d'ouvrir les yeux pour fixer le kaléidoscope de l'obscurité, de goûter grâce à une lueur momentanée de conscience le sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre le tout dont je n'étais qu'une petite partie et à l'insensibilité duquel je retournais vite m'unir.